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“Le cercle vicieux de la pauvreté des jeunes et le défi de la formation aux vertus”.
Dans son message pour la Journée mondiale des pauvres, le Pape François dévoile quelques visages de la pauvreté : la douleur, la marginalisation, l’abus, la violence, les tortures et l’emprisonnement, la guerre, la privation de la liberté et de la dignité, l’ignorance et l’analphabétisme, l’urgence sanitaire et le manque de travail, les traites et les esclavages, l’exil et la misère, la migration forcée[1].

En ayant comme point d’ancrage la société congolaise, au cœur du vaste continent africain, et particulièrement la ville de Kinshasa, sa capitale, nous voudrions relever le cercle vicieux de la pauvreté des jeunes et le défi de la formation de l’élite gouvernante aux vertus, particulièrement justement la vertu de pauvreté et de justice.

En effet, le contexte d’incertitude politique dans lequel se trouve actuellement ce pays a accéléré la dégradation de la situation économique et sociale de nombreuses familles et de nombreux jeunes, qui plongent de manière sûre dans le chômage et le statut de sans emploi – « de qui cherche »[2]– même à la fin des études universitaires. La baisse de la qualité de celles-ci, rend, par ailleurs, les diplômés incapables soit de créer des emplois pour d’autres jeunes, soit non employables par les quelques entreprises en quête de main d’œuvre qualifiée.

Cette situation conduit de nombreux jeunes, qu’ils aient eu accès aux études ou non, dans des activités de débrouille souvent à la limite de l’illicite ou se laissent instrumentaliser par les acteurs politiques en s’installant dans des actes de violence envers les populations ou à l’occasion des manifestations politiques. Tantôt ils sont tués par les forces de l’ordre, tantôt ils sont arrêtés et emprisonnés. Et de la prison, ils en sortent pires qu’ils y sont entrés, sans aucune perspective valorisante ; ce qui les rend plus vulnérables pour une carrière délinquante et les plonge souvent dans les abus de l’alcool et de différentes sortes de drogues. Ainsi, se referme le cercle vicieux.

A tout cela, le Pape François suggère d’y répondre par « une nouvelle vision de la vie et de la société »[3]. Un tel objectif soulève le défi de la formation à la vertu aussi bien de l’élite gouvernante (acteurs politiques) que de l’élite entreprenante (cadres et chefs d’entreprise) à travers, notamment, des programmes de leadership et de management gérés par les différentes Business school. En effet, on observe qu’à la paupérisation croissante de la population dont la majorité est composée des jeunes âgés de 18 à 25 ans, correspond paradoxalement un enrichissement insolent de l’élite gouvernante, qui n’assure pas une juste redistribution des richesses du pays. Un leadership axé sur la pauvreté, entendue comme « la mesure qui permet de juger l’utilisation correcte des biens matériels »[4] et sur la justice pourrait faire émerger cette nouvelle vision de la vie et de la société. Il conviendrait donc de développer et de soutenir ces formations destinées aux dirigeants politiques et d’entreprises, de manière à créer les conditions d’une gouvernance plus vertueuse.

Raoul KIENGE-KIENGE INTUDI
Professeur à la Faculté de droit
Université de Kinshasa

[1] Pape François, Message pour la Journée mondiale des pauvres, 13 juin 2017, n. 5.
[2] Celui qui cherche un travail rémunéré.
[3] Pape François, op. cit., n. 5.
[4] Ibid., n. 4.